Voyage en Tanzanie
(Jour 7 - Barafu à Uhuru Peak (+ 1300m), puis à Mweka camp (-2800m)

Il est donc 23h30 quand le réveil est donné. Le thé (enfin plutôt le chocolat chaud pour moi) est pris dans la tente mess. Le froid est présent mais pas trop. Chacun prépare ses affaires. Le guide soupèse les sacs individuels et impose que certains vident un peu leur gourde ou s'allègent plus. Le poids semble être un ennemi à ne pas négliger pour cette dernière ascension. Chacun allume sa lampe frontale (sauf les guides qui n'en n'ont pas pourtant la nuit est noire, malgré un peu de lune).

Il est 00h06 lorsque nous nous élançons à l'assaut du sommet. Je suis le dernier de la caravane. Le rythme est lent, je commence à me réchauffer petit à petit. J'ai pris mes bâtons pour cette ascension bien sûr. Ils m'aident à rythmer mes mouvements. C'est une grande aide pour moi, je ne regrette pas de les avoir pris. Nous montons tranquillement. Il y a déjà des lumières dans les hauteurs, des groupe qui sont partis plus tôt que nous.

Après quelques dizaines de minutes, nous croisons deux personnes arrêtées sur le côté. Apparemment le randonneur vaincu par la montagne redescend en compagnie de son guide. Ce n'est guère rassurant ! Je vois par moment qu'il y a un autre groupe derrière nous qui monte un peu plus rapidement. Je me dis que nous allons pouvoir tester les principes du guide énoncés la veille (pour rappel, personne ne double !).

D'un coup presqu'au même moment, un membre de notre groupe s'arrête pour retirer une couche de vêtement. Comme il n'a rien dit en s'arrêtant, des frondes s'abattent sur lui. Chacun est concentré, chacun veut réussir et chaque entorse semble sortir violemment du groupe, je le ressens comme tel. Pourtant les entorses par la suite seront nombreuses (moi le 1er surtout vers la fin !).

Au bout de 2 heures de montée (enfin je crois, la notion du temps m'a un peu échappée durant cette montée nocturne). J'indique à un des guides que ma position me déplaît (je suis dernier du groupe) car j'ai l'impression de faire l'accordéon et de m'épuiser a faire ainsi. Obed m'indique alors que le groupe va se scinder en deux afin que chacun puisse monter à son rythme. Effectivement, quelques minutes plus tard, un scission est effectuée. Mais avec horreur et surprise, Charles l'autre guide qui prend le commandement monte maintenant deux fois plus vite. Ce n'est qu'après quelques minutes que je m'en rends compte notamment en constatant que mon souffle et mon rythme cardiaque se sont bien accélérés. Je lui indique clairement que si le rythme continue comme cela, je vais exploser dans la montée. Le rythme se ralentit fort heureusement et les deux groupes poursuivent leur montée. Bientôt le groupe de tête va lui aussi s'éparpiller en deux groupes distincts. Nous sommes maintenant répartis dans trois groupes dans notre montée vers le kilimandjaro.

Mais bientôt voici que l'accordéon revient à la charge. Ces changements de rythme me rendent nerveux. L'apport du guide est indéniable pour avoir un rythme constant, et je n'arrive pas à en profiter. Je décide alors de m'arrêter (Fabrice fait de même) et d'attendre le deuxième groupe qui arrive bientôt. Nous sommes maintenant moins nombreux 3 dans ce deuxième groupe, et je pense que ce nombre sera plus favorable que 7 voir 5 pour arriver au sommet.

Le froid est bien présent et j'ai bien du mal à me réchauffer les mains malgré mes gants en gore-tex. Mes deux gourdes maintenant ont leur liquide pratiquement gelé et boire un liquide froid n'est guère réjouissant ! Au fur et à mesure de la montée, je me suis d'ailleurs dis qu'il fallait mieux que je continue à monter pour éviter une trop grande sensation de froid.

Petit à petit, nous montons, même si dans la nuit j'ai l'impression de faire du surplace. Je perd les notions des distances, la notion du temps. Les lampes d'autres groupes ne sont plus présentes ou trop loin. Les minutes s'égrènent inexorablement. Une chose est certaine cependant, nous montons (presque comme des moutons à suivre les pieds de celui qui vous précède).

Le jour commence à se lever derrière moi. Cette idée me réjouit. Je regarde un peu, puis de plus en plus souvent cet astre qui jailli de sous les nuages et qui inonde la montagne. Je commence à me réchauffer rien qu'en pensant à ses rayons chargés d'énergie bien que ceux-ci aient bien du mal à faire effet.

L'arrivée au col de stella point est maintenant proche, le jour est pleinement présent. La distance jusqu'a ce point parait dérisoire mais c'est encore en minutes longues qu'il me faut compter pour attendre ce point. La pente est un peu plus raide, le terrain un peu plus glissant, fait de terre, de poussière légère. Le vent souffle par moment. Le guide fait une halte. J'en profite pour souffler un peu, me retourner, prendre un peu plus possession des lieux, du moment, de l'endroit, du temps. Au même instant, je ressens une violente envie de vomir. Je m'inquiète tout de suite, le vomissement est un signe du mal aigu des montagnes. Mais je ravale ma salive. La sensation disparaît aussi rapidement qu'elle est arrivée. Il n'y aura pas d'alerte supplémentaire. Je respire.

Le guide repart, et s'arrête tout à proximité du col pour surveiller du regard ses ouailles. Le col est maintenant à porté de main. Je me dis que le sommet ne dois pas être loin, encore quelques minutes d'effort. Déjà je croise les 1eres personnes qui redescendent. Sans les questionner, je me dis intérieurement que le sommet n'est certainement pas tout proche. Que l'effort n'est pas fini, qu'il faut se préserver pour la suite. En effet, la plupart des autres groupes sont partis largement avant nous et ont déjà atteint le sommet il y a belle lurette. Je décide de continuer seul pour ces derniers mètres sans attendre le guide car je me sens bien et j'ai envie d'en finir. Il ne pipe mot et je me place inconsciemment derrière un autre groupe rencontré là par hasard (je ne les avaient pas vu auparavant, je ne puis dire après coup de qui il s'agissait, peut être d'autres membres de notre propre groupe mais je n'en sais rien, je n'ai suivis que les pieds...!).

J'arrive à stella point et mon regard domine maintenant le cratère. Je comprends tout de suite que le sommet n'est pas la, qu'il reste invisible, qu'il me snobe et qu'il nous faudra marcher encore un peu pour y arriver. Pour l'instant, le guide arrivé quelques secondes après nous indique un endroit pour attendre tout le monde. Je suis un poil fatigué mais je prends le temps de voir ses immenses glaciers qui sont tout proche. Je suis un peu dans les nuages à vrai dire et n'ai pas l'idée encore de sortir mon appareil photo.

Le thé servit par notre guide me fait du bien. Il est encore chaud alors que mes gourdes sont presque complètement gelées. Nous nous arrêtons la quelques minutes, puis le signal du départ est donné. Objectif : Uhuru peak ! Nous sommes 4 à embrayer à la suite du guide (les trois autres membres restant là). Nous prenons un petit chemin qui monte légèrement. Le spectacle se fait de plus en plus grandiose. Un petit ressaut, un autre, l'endroit est un peu vallonné, et je ne distingue par encore la fameuse pancarte indiquant le sommet. Le pas est plus lent que le rythme cardiaque, la respiration légèrement plus rapide que le rythme des pieds. J'entends le silence dans mes oreilles. Cette terre aride, volcanique et vide qui m'entoure me fait penser irrémédiablement à la lune. Je suis Niel Armstrong sur l'astre de mort, je suis dans l'espace, tout est silence, tout parait léger.

Le rythme sur cette portion est lent, mais je pourrais aller plus vite, j'en ai hâte, foncer à perdre haleine, mais il faut raison garder, car je ne vois pas encore le sommet. Nous croisons encore des groupes qui redescendent. Après 20mn de montée supplémentaire à partir de stella point, j'arrive enfin au but de ce voyage. Je distingue maintenant clairement cette pancarte, et quelques personnes qui y sont autour. Je jubile intérieurement, sourit même alors que je ne suis pas encore arrivé. Rien maintenant ne peut m'empêcher d'atteindre cet objectif que j'ai maintenant en visuel. Mes doutes, mes craintes de ne pas y arriver, tout cela s'envole prestement dans ce sourire.

Je suis au sommet du kilimandjaro ! Je trouve la force de danser autour de cette pancarte tellement je suis content. Sorte de danse de la joie. Sorte de danse libératrice. Content de m'être fixé ce défi un peu dingue, et d'y être arrivé. Je prends la pose, le point serré, fier d'en être la. Sans oublier d'exhiber mon bonnet orange qui me suit dans mes voyages. 5895m, uhuru peak, kilimandjaro, tanzanie ! Il est 08h04 du matin, j'ai mis 8 heures pour monter au sommet depuis Barafu !

Chacun pose devant la pancarte, les guides aussi (Obed et Charles). Pour Obed, cela fait environ la dixième fois qu'il monte au sommet du kilimandjaro. Tout comme nous, comme moi, ils sont aussi content, fier d'arriver là, sans doute aussi fier d'avoir emmené tout ce petit monde au sommet.

Mais après quelques minutes au sommet, il est temps de redescendre. Pourtant l'air est bon, le vent inexistant, il faut un peu frais, mais les rayons du soleil me réchauffent largement. J'aimerais rester là plus longtemps, je me sens bien. Tout est plénitude, tout est calme. Cela me fait penser aux quelques instants que j'avais pris lors de mon voyage en Libye, la tête dans le sable. Des moments d'efforts, mais aussi des moments de repos, de calme éternel. J'imagine à cet instant ce que doivent ressentir les alpinistes sur le toit du monde, l'everest. Je comprends qu'au delà du manque d'oxygène qui perturbe les esprits, il y a aussi cette fascination pour ce qui nous entoure lorsque nous sommes au sommet, dominant la région, dominant le monde.

Finalement, au moment ou nous partons, le deuxième groupe arrive, tout le monde arrivera au sommet ce jour la, réussite totale ! Je profite de la descente pour faire des clichés. Bien sur, il y a cette vision extraordinaire de trouver (encore) de la neige, de la glace en Afrique. J'ai du sortir du chemin pour toucher cette glace, toute la montée vers le sommet se faisant sur la terre (mais cela peut dépendre des saisons et du climat).

Les glaciers du kilimandjaro font parler beaucoup d'eux notamment du fait du réchauffement de la planète. Ce qui est sûr, c'est que les neiges, les glaciers du kilimandjaro vont disparaître prochainement. Les estimations font état d'une disparition vers l'année 2020. Alors si vous voulez les voir, dépêchez vous !

Le réchauffement climatique est en cause peut être aussi associé à la désertification de l'Afrique de l'Ouest d'après G. Allègre. Afin d'illustrer cette fonte, j'ai repris ici deux photos de Yann-Arthus Bertrand, dix ans séparent ces deux photos, la photo passe de commentaire même si la légende ne dit pas si les photos ont été prise au même moment dans la saison.

 

Malgré sa disparition imminente, le glacier proche du sommet (arrow glacier) présente une belle hauteur de neige. Le glacier s'est parfois effondré mais semble dans son entier posé là, sans trop savoir pourquoi, comment. Les contrastes avec le reste complètement désertique est intriguant, perturbant, se rappeler que je suis en Afrique renforce cette étrange impression. Tout semble un peu irréel.

Je prends maintenant véritablement le temps de contempler le paysage aux alentours. Je découvre maintenant la vue vers le Mawenzi, et les glaciers qui sont à proximité du chemin de montée foulé il y a peu.

Comme vu précédemment, le glacier présente parfois des espèce de pains de glace sortis de nulle part et hérissé vers le ciel. C'est assez proche des pénitents que l'on peut trouver dans d'autres régions du monde (fait de glace, ou de terre) même si leur taille est petite, signe d'une intense activité d'érosion du au vent, au soleil.

Je découvre maintenant le cratère mais de ma position, je pense que je ne vois pas l'intérieur du Reusch crater. Le fameux cratère central visible sur de nombreuses photos aériennes, celui-ci étant caché et que c'est plutôt le cône intérieur (inner cône) qui est à mes pieds. J'ai regardé via goole earth plus précisément la topographie, et il me semble que mon impression est confirmée, le cratère est bien dans un renfoncement du volcan (en toute logique !).

De ce fait, ce n'est que l'intérieur immédiat du cratère que je pourrais contempler, et je réalise aussi que le cratère au sommet du Kilimandjaro est finalement de belle dimension. Je me dis en écrivant ces lignes que j'aurais aimé découvrir un peu plus cet endroit et ne pas me cantonner au sommet...

Il est maintenant temps de redescendre. Nous devons rejoindre le camp de barafu par exactement le même chemin que pour monter. Nous descendons jusqu'a stella point, et la commence véritablement la chevauchée fantastique... Le sol, poussiéreux vole partout, s'infiltre partout avec le vent qui s'est un peu levé et la vitesse de descente. Obed et Fabrice partent à toute vitesse, et bientot ne sont que des petits points au loin... Pour ma part, je prends mon temps, prenant soin de mes genoux qui n'aiment guère les descentes !

Après quelques dizaines de minutes, je me retourne, et prend en photo le chemin qui monte jusqu'a stella point. C'est une toute autre vision que de voir le chemin à parcourir de jour. D'ailleurs, il est tout à fait possible de monter au kilimandjaro de jour. Vous partez vers 11h de barafu, arrivée au sommet à 17h (si vous êtes rapide), et vous êtres si tout va bien de retour pour la nuit à Barafu. Je trouve pour ma part l'idée de partir de nuit tout à fait séduisante car vous évitez de voir en permanence cette longue montée finale, et vous profitez des premiers rayons du soleil au sommet, en contrepartie, le froid est un peu plus vif.

En descendant, je distingue d'autres voies de montée notamment la voie marangu qui part vers la gauche. Cette voie passe par Kibo huts (refuge kibo) et est la voie la plus directe et la plus courte pour l'ascension. Je distingue les baraques, et le chemin qui se perd dans les nuages.

Je continue à descendre et me rapproche de Barafu que je contemple maintenant de haut et semble assez vaste. D'ailleurs vous pouvez voir le campe très distinctement sur le fichier du parcours via google earth. A cette heure ci (il est environ 10h30) lorsque je suis en vue du camp, la plupart des tentes vues la veille sont manquantes, randonneurs et caravanes étant déjà redescendus.

J'atteins finalement barafu et ma tente, ou j'en profite pour me reposer et faire un brin de toilette. Après quelques dizaines de minutes, l'ensemble du groupe est complet à Barafu. Nous prenons notre déjeuner sur place. Vers 13h, l'heure du départ est donné et nous entamons la descente. Certains porteurs ont déjà pris de l'avance et sont visible sur la voie Mweka, notre voie de descente.

Après 1h de descente, nous touchons presque les nuages, la végétation réapparaît petit à petit, et l'humidité aussi. Les terres arides, poussiéreuses et lunaires du sommet sont maintenant bien loin !

Pour les porteurs, les changements de condition climatique, de paysage, n'entament en rien leur marche forcée vers Mweca camp. Arrêté à une baraque de rangers pour faire une pause, des fantômes passent en courant à proximité.

La suite de la descente est des plus ennuyante. La visibilité est nulle, l'humidité est présente. J'en profite pour faire quelques photos de fleurs, plantes locales. Ne me demandez pas de quelle plante il s'agit, je n'en ai aucune idée. J'ai trouvé juste l'ensemble des couleurs harmonieux, et surtout, cela faisait un bail que je n'avais pas vu de plantes colorées. Ya rien sur le sommet du kili !

Le chemin fait place tout d'abord à une chemin de pierre (tant pis pour mes genoux), à des marches de terre (re-tant pis pour mes genoux), heureusement que mes bâtons sont la pour m'aider à progresser durant la descente.

 

Nous atteignons dans l'humidité Mweka camp et après avoir remplis le registre local par nos noms, adresse, numéro de passeport (cela faisait un bail que cette procédure ne nous avait pas été imposée !), nous regagnons le camping et nos tentes. La soirée, la nuit se passe sans soucis, à vrai dire que j'en ai guère de souvenir, sans doute que j'étais un peu crevé !.

lien vers le jour 8